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Les gloussements des rires émanent de la jea (maison traditionnelle shuar). Lorsque les Shuars se réunissent, les rires ne manquent jamais. Ils dansent en harmonie avec les tâches à accomplir.

D’un côté, les hommes pèlent les chontas cuites. De l’autre, les femmes les mastiquent pour préparer le ferment qui donnera naissance à la chicha, une boisson traditionnelle que l’on pourrait baptiser bière amazonienne. La chonta mastiquée, réduite en purée, est recrachée et mélangée aux chontas triturées. Des heures durant, épluchage et masticage s’enchaînent spontanément, sans préoccupation du temps. Le tout, ajouté à de l’eau, est ensuite mélangé par les hommes dans de grandes jarres en terre cuite.

À la tombée de la nuit, les âmes s’accumulent dans la jea. Un cercle humain se dessine autour des jarres. Nantip, l’ancien de la communauté, donne les instructions. Cette tradition n’avait plus eu lieu depuis des années. Elle avait été mise aux oubliettes. C’est une renaissance pour la communauté.

La voix de Nantip résonne. Mains entrelacées, le cercle humain danse et saute en tournoyant autour des jarres. Le bruit des graines résonne à la fréquence des pas. Cinquante-sept chants doivent être effectués pour raconter l’intégralité de l’histoire de la chonta et ainsi l’honorer. Ce fruit, issu d’un palmier, est synonyme d’abondance pour le peuple shuar. La fin du cycle de fructification représente la nouvelle année. Les chants, autrefois oubliés, font à nouveau vibrer la terre des ancêtres.

En chœur, les voix s’élèvent pour honorer la vie pendant plus de cinq heures. Les moments de transe font oublier la fatigue. C’est la beauté du chant, du collectif et de la danse : trois éléments qui nous rapprochent de l’essence même de la vie.

La dernière ronde achevée, une ligne humaine se forme. Chacun, à son tour, plante une lance dans la porte d’entrée. La chicha peut alors être servie. Les enfants se régalent d’abord de la purée de chonta en surface. Ils plongent la main dans la jarre et savourent. Les femmes plongent ensuite un pilche (bol amazonien) dans le précieux liquide. D’un doigté méticuleux, telle une danse de la main, elles nettoient soigneusement le bord du récipient avant de le servir à l’assemblée. Des heures durant, la population s’enivre de ce délicieux nectar.

Joyeuse année chez les Shuars. Mai 2025.